Ecrire la vie!
- creonshaiti
- 25 sept. 2016
- 3 min de lecture
Le premier artiste que nous accueillons à Créons Haïti est une personne douée d’un formidable talent pour l’écriture. A moins de 30 ans, Esau Smally Bourgonne,ecrivain haitien, est déjà à son 3e livre. Il nous parle de son talent.

Créons : Smally, tu écris dans quel genre ?
Smally : De la poésie au départ, que j’écris encore quelques fois d’ailleurs (pour m’entrainer). Mais depuis un certain temps des nouvelles et des romans.
Créons : Quand as-tu débuté à écrire ?
Smally : Je ne sais pas au juste. Je le fais sérieusement depuis 5 ou 6 ans peut-être.
Créons : Qu’est-ce qui t’a poussé à écrire ?
Smally : C’est une question dont la réponse va plutôt sonner rigolo et non professionnelle, mais je veux être sincère. Au départ c’était l’ennui. Ne pas pouvoir m’exprimer comme je le voulais. Donc par ennui, ou par envie de m’exprimer. Parce qu’il y a tellement de choses à dire de notre société.
Créons : Parle-nous de ton style, suis-tu un mouvement littéraire ?
Smally : Mon style est (surement) un mélange de tous ceux que j’ai lus. Je ne crois pas en avoir créé un. J’aime particulièrement les phrases longues et les juxtapositions multiples.
Créons : Dis-nous, dans quelles conditions est-ce que tu écris, et à quel moment ?
Smally : Je peux écrire n’importe quand et n’importe où. Le bruit sait bizarrement m’inspirer parfois. Mais je me drogue souvent. Ma drogue c’est la musique. Quand j’en écoute j’écris beaucoup mieux.
Créons : Comment ton talent est-il perçu chez toi, par la famille ?
Smally : Je ne puis donner une réponse a cette question. L’art que j’essaie de pratiquer a toujours été, malheureusement, réservé à un groupe restreint de notre société. Je ne puis dire qu’ils me comprennent tous. Mais ils paraissent fiers, et semblent me soutenir. Je ne puis en être sur.
Créons : Merci Smally pour cette interview, et bon courage pour la suite.
Voici un extrait tire de son dernier ouvrage Le caviar du p'tit negre:
'' […Une frontière ne dort jamais. Insomnie chronique. Une frontière ne respecte pas le silence de la nuit. Si elle veut parler, elle parle fort peu importe l’heure ; et quand elle ne parle pas, elle vrombit. Totalement couvert par l’esclandre causé par les moteurs des différents engins qui essayent de circuler sans repos et par les discussions de tous ceux qui travaillent de nuit, qui ont fini par apprendre à se satisfaire de leur sieste, bannissant maintenant leur sommeil sans regret, les magouilles peuvent s’orchestrer sans que les lois s’en doutent et s’élèvent pour punir, les négociations, pour des humains et leurs passe-droits, comme s’ils étaient de vulgaires objets, s’entreprennent et se concluent.
Les camionneurs dominicains sont majoritairement ceux qui assurent le transport des marchandises des deux côtés de la frontière. A les voir, on peut penser qu’ils ne se fatiguent jamais. Plus tôt dans la journée, regroupés en plusieurs groupuscules, ils se sont tragués plus de bouteilles d’alcool que je ne bois généralement d’eau en une journée, et ont parlé et ri à gorges déployées, en attendant que viennent la nuit, pour débuter les va-et-vient avec les nouvelles cargaisons, de tout, mais surtout de charbon en provenance d’Haïti. D’énormes sacs de charbon provenant de nos mornes presque tous dénudés aux yeux de tous sans considérations ; des chaines de montagnes laissées nues, mais devenues si laides après tant de viols que plus personne ne parait en vouloir. Des montagnes devenues trop vieilles pour montrer une quelconque beauté, pour vraiment compter.
Normal qu’il ne nous reste plus d’arbre chez nous.
… Une fois une entente nous concernant trouvée. On nous fait monter dans l’un des camions qui se dirigent de la frontière vers une quelconque province dominicaine, empilés sans confort à l’arrière des sièges du conducteur et du passager, obstruée par un épais rideau qui, penseront exprès les militaires complices en charge de la sécurité de leur territoire, ne peut rien cacher de spécial à part les effets personnels du conducteur . Le gars à la casquette jaune nous ordonne de ne pas bouger, de ne pas parler, et de croiser les doigts pour que tout se passe comme il faut. Il nous informe qu’il nous attendra à environs 3 kms de l’autre côté ; qu’une fois sur le lieu du rendez-vous deux hommes, dominicains, travaillant pour lui, seront là à nous attendre pour nous mener jusqu’à lui. Il nous enjoint de les suivre sans poser de questions et de ne pas trainer les pattes.
─ A plus les enfants. Ce n’est qu’une expérience, dit-il en tirant le rideau avant de sauter du camion qui démarre, nous laissant sans idée de la route empruntée, ou même de la tête du chauffeur, dominicain de surcroit…] ''
Pour contacter Créons Haïti : creonshaiti@outlook.com
Suivez-nous sur Facebook : Créons Haïti, sur Instagram @haiticreons
Pour contacter Smally Bourgonne : smally445@gmail.com tel : (509)37235300, Instagram et twitter : @smally445, Facebook : EsauSmallyBourgonnepage






















Commentaires